Monday 23 February 2009

Société impériale zoologique d'acclimatation

M. Durieu fie Maisonneuve adresse les renseignements suivants à propos des graines qu'il a reçues de la Société dans ces derniers temps : « Un armateur de Bordeaux, instruit et » zélé, me remettait dernièrement des graines que venait de lui apporter le capitaine d'un de ses navires, d'une plante * dont le suc sert immédiatement d'encre noire excellente, » fait dont le capitaine affirme avoir été témoin. Il est bien ;> difficile d'ajouter foi à un pareil récit, malgré la franchise » des assertions du voyageur. Néanmoins je semai soigneuse- » ment ces graines. Dés la germination je reconnus un Cassia; î mais je serais arrivé difficilement à l'espèce, si je n'avais » trouvé dans la boite reçue hier un sachet de graines de » Cassia auriculata, dans lesquelles j'ai aussitôt reconnu j> celles de M. l'armateur Chaumel, provenant d'un point de la » côte S.-E. de l'Afrique tropicale, graines si bien caractéri- » sées par leur forme insolite en as de pique. Je ne vous com- » munique un fait siminco que dans la pensée qu'il pourrait » seulement offrir quelque intérêt si, en vous envoyant ces » graines de Cassia, on avait attribué au suc de la plante une » propriété pareille. Le fait est que j'ai sacrifié les deux pre- » miôres feuilles d'un de mes jeunes sujets, et que leur suc a » nettement verdi mon papier au lieu de le noircir, résultat » auquel je m'attendais du reste. Je termine en vous donnant » connaissance d'un fait qui, cette fois, a je crois son intérêt. » J'ai successivement fait avec plein succès des semis de Chamaerops excelsa dans le Jardin de Bordeaux. L'un de mes deux sujets les plus anciens a fleuri pour la première fois l'année dernière, en pleine terre bien entendu. C'était un individu femelle, qui n'a pu rien produire faute de fécondation. Cette année, dès le commencement d'avril, ce même pied a fleuri, après avoir émis six beaux régimes, tandis que l'autre pied annonçait seulement, à la même époque, une floraison plus tardive, qui heureusement s'est trouvée mâle. Mais, ce qu'il y a eu de bien regrettable, c'est le défaut de simultanéité dans la floraison, à tel point que cinq régimes du pied femelle avaient déjà perdu toutes leurs fleurs avant l'épanouissement de la première fleur mâle. Le sixième spadice, entièrement abrité du midi par le tronc même du Palmier, et exposé ainsi au plein nord, a fleuri beaucoup plus tard, et ses fleurs inférieures paraissaient encore aptes à recevoir le pollen lorsque les premières fleurs mâles se sont ouvertes. Je n'ai pas manqué de transporter ces dernières au fur et à mesure de leur épanouissement sui la base de la panicule de fleurs encore fraîches, qui toutes, sans exception, ont noué, à tel point que cette seule portion de régime porte aujourd'hui plus de quatre cents fruits qui, je l'espère, arriveront à parfaite maturité. C'est, je crois, la première fois que le Chamœrops excelsa, dont l'acclimatation dans notre région aquitanique paraît aujourd'hui assurée, fructifiera en Europe. Mais il est par trop regrettable que la floraison des deux sexes n'ait pas eu lieu simultanément ; cela tient, à leur exposition diamétralement opposée, l'une au nord, l'autre au midi. J'y remédierai l'année prochaîne par des contre-abris. Sans ce fâcheux mécompte, j'aurais probablement obtenu une récolte de trois à quatre mille graines, dont un gros lot serait revenu de droit à l'approvisionnement de la Société d'acclimatation. Néanmoins, je me ferai un devoir de lui offrir une part de cette première et chétive récolte.

M. Denis, à l'occasion de la note de M. Durieu de Maison-neuve, dit que le Chamaerops excelsa est acclimaté à Hyères depuis longues années et qu'il y prospère tout aussi bien que le Chamaerops humilis, dont il possède plusieurs exemplaires âgés de vingt-quatre à vingt-six ans, [1867- 25 years = 1842] et qui donnent chaque année des régimes de fruits qu'il a soumis toujours à la fécondation artificielle, ainsi qu'il ne manque jamais de le faire pour les Palmiers dattiers (Phoenix dactylifera). Il cultive également avec succès dix-sept espèces de Palmiers ; il y a quelques années, il aurait pu en citer un plus grand nombre, mais le froid exceptionnel de 1864 lui en a fait perdre cinq dont la croissance était déjà fort avancée. Il ne lui reste donc plus à citer, après le Phœnix dactylifera, dont son jardin offre de magnifiques spécimens d'une hauteur de 25 à 35 pieds, que le Jubaea spectabilis, dont un exemplaire pourrait presque rivaliser avec celui qu'on voit dans la grande serre du Jardin des plantes; mais le sien n'a pas plus de dix-huit à dix-neuf ans, (1867 -18 years = 1848/49) et il mesure lm,65 à la base, mais il n'a pas plus de 63 centimètres de hauteur, car cet arbre végète très-lentement ; c'est selon lui le plus vigoureux et le plus ample des Palmiers que la température de la France permet de cultiver en pleine terre et à l'air libre. Le froid déjà cité de 1864 avait légèrement atteint les fouilles du Chamaerops et celles du Dattier, mais il n'avait en aucune façon altéré celles du Jubaea spectabilis ou Cocotier du Chili. Au reste, il n'est pas le seul à le cultiver dans le pays qu'il habite ; on en trouve de beaux pieds dans les jardins de Mme Clerc, de M. Bornéoud, de Mme la baronne de Prailly, de M. Bonnet, tous situés dans le territoire d'Hyères; cependant il doit ajouter qu'il n'en est pas un seul qui puisse rivaliser pour les proportions avec celui que tous les voyageurs, amateurs d'horticulture, viennent admirer chez lui. Au nombre de ces visiteurs, il cite avec orgueil le roi de Bavière, père du monarque actuel, le prince Charles de Prusse, le prince Napoléon et nombre d'autres illustres personnages, tous ou presque tous affiliés à la Société d'acclimatation. Ils ont pu voir chez lui l' Elaïs melanococca de la Nouvelle-Grenade, atteint mortellement par l'abaissement du thermomètre en 1864, le Phoenix sylvestris, le Fulchironia senegalensis, qui n'est point autre que le Phoenix de Sierra-Leone ; le Latanea borbonica, qui développe ses magnifiques éventails à l'entrée de son allée de Palmiers; le Saribus olivaeformis, qui a de nombreux rapports avec le Latanier, le Corypha australis; quatre espèces de Sabal, parmi lesquels le Sabal princeps, le Rhapis flabellaeformis, les Chamaedorea, etc., etc.; et, puisqu'il est sur le chapitre des Palmiers, il demande à la Société la permission de lui parler d'une tentative d'hybridation bien curieuse, c'est celle du fruit provenant du Chamaerops par la fécondation du Phœnix dactylifera. Cette hybridation s'est manifestée jusqu'à présent sur la forme et la grosseur des fruits; elle n'aurait rien d'étonnant après les essais de fécondation de diverses espèces de raisins obtenues à Montpellier par M. Bouchel. Mais il s'agit ici, et il invoque le témoignage de plusieurs savants, celui de M, Naudin, membre de l'Institut, celui de MM. Tulasne frères, et enfin ceux de MM. Jaqbert el Germain de Saint-Pierre, président et vice-président do la Société botanique do France, il s'agit, continue-t-il, d'un fait tout à fait étrange, parce que les Palmiers qu'il mentionne appartiennent à des tribus tout à fait différentes, le Chamaerops sur lequel il a opéré la fécondation par le pollen du Dattier, n'avait jusqu'alors donné que de petits fruits ronds, et toutes les plantes qui en étaient provenues avaient toutes prises le caractère du Chamaerops humilis, par lequel il avait été jusque-là fécondé à l'époque du mois de mai. Mais, en 1863, par suite du contact de ce pollen étranger, le fruit changea de grosseur et de forme. L'année suivante, n'ayant point été fécondé par le Phœnix, les fruits revinrent à leur forme et à leur grosseur première ; l'année qui vint après, sur les instances de M. Naudin, qui jusque-là, chaque année, avait emporté des fruits qui différaient entre eux, M. Denis recommença son expérience en secouant le pollen du Dattier, et Tannée dernière encore, comme cette année même, les fruits reprirent la forme allongée de la datte et la grosseur presque double de la grosseur naturelle. M. Denis ajoute que chaque fois sa fécondation avait été précédée par celle du Chamaerops humilis, parce qu'il n'avait pas voulu perdre sa récolle dans le cas ou l'une ou l'autre n'aurait point été faite à temps. Au reste, il a promis à M. le comte Jaubert un récit détaillé de ses opérations, et il le lui eût déjà envoyé s'il n'en avait pas été empêché par une longue et douloureuse attaque de goutte. Il a remis à M. Naudin, aux frères Huber, horticulteurs à Hyèros, et à beaucoup d'autres personnes, les résultats de son hybridation, qui en ont fait des semis chaque année; on pourra dans peu connaître quelle a été l'influence de ces différents pollens. Chez les frères Huber, il sait que toutes les graines ont levé et que les jeunes plants sont soignés avec tout l'intérêt qu'ils méritent. M. Denis termine en disant que ce ne sont pas seulement les Palmiers qui végètent magnifiquement dans le terroir d'Hyères, puisqu'on y trouve encore chez Mme la marquise de Beauregard des arbres semés en 1789 et qui mesurent 15 à 16 mètres de stipe, mais divers végétaux de la famille des Cycas et des Zamia y prospèrent comme sur leur sol natal, et il cite les Cycas revoluta, Cycas circinalis, beaucoup plus délicat que le premier, Zamia muricata, Ceratozamia mexicana, Dion edule, etc., qui se trouvent chez lui et chez M. Bonnet. Il regrette que la Société d'acclimatation n'ait pas pu avoir à Hyères un jardin d'essai. M. P. Gervais fait remarquer l'intérêt qu'aurait l'observation de M. Denis, puisqu'ici il n'y aurait pas seulement eu action sur le produit, comme cela a lieu ordinairement, mais action immédiate sur le végétal fécondé, et il rappelle à cet égard une discussion qui a eu lieu à Montpellier à propos de la vigne.

Bulletin de la Société impériale zoologique d'acclimatation
Por Société impériale zoologique d'acclimatation
Edição de Au Siége de la Société, 1867, p. 456-460

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