Monday, 23 February 2009

Février 1868

Je me contenterais, à la rigueur, du séjour de la charmante petite ville d'Hyères, sur les côtes de la Méditerranée, ou commence à fleurir aussi la science horticole.

On y trouve, en effet, le riche établissement des frères Huber, dans lequel les amis de l'horticulture peuvent trouver de quoi satisfaire leur innocente passion, pendant la saison des frimas parisiens. Favorisés par ce climat exceptionnel, MM. Huber cultivent particulièrement des plantes qui exigent chez nous des abris plus ou moins chauffés ; et le nombre en grand. D'après le catalogue que nous venons de recevoir, nous avons compté 57 espèces d'Acacia; le genre Eucalyptus, qui dans ce moment jouit des faveurs de la mode, n'en compte pas moins de 38 ; puis ce sont les Palmiers : Dattiers, Chamaerops, Latanier, Corypha, Cocos australis, etc. Nous y voyons que le majestueux Dahlia imperialis, magnifique espèce introduite il y a quelques années, atteint, dans cette région, en une seule pousse, la hauteur de4 m. 50, etc.

Mais les cultures des frères Huber sont plus encore affectées à la production des graines d'arbres et d'arbustes de la Nouvelle-Hollande particulièrement; d'espèces herbacées et vivaces, nouvelles et anciennes, aquatiques, grimpantes, etc. Parmi ces dernières se trouve une belle série d'Ipomea dont plusieurs nouveaux. Les graminées ornementales comprennent environ 240 espèces ; nous n'avous pas compté moins de 140 Canna; les Statice, charmantes plantes vivaces à floraison prolongée, figurent pour le chiffre 33 ; les Cucurbitacées, qui ont acquis une certaine renommée par le beau travail de notre collègue, M. Naudin, occupent aussi une large place dans les cultures des frères Huber. Nous n'en finirions pas si nous voulions énumérer toutes les richesses de leur bel établissement.

En parcourant ses catalogues, j'ai compris l'attraction que la petite ville d'Hyères exerce, depuis quelques années, sur les botanistes parisiens. M. Germain de Saint-Pierre un des auteurs de la Flore parisienne, y est Installé depuis longtemps; M. Tulasne, de l'Institut, va s'y reposer, chaque hiver, de ses savantes et minutieuses études cryptogamiques ; non loin de là, M. Thuret, savant algologue, a créé de magnifiques collections d'arbres de la Nouvelle-Hollande ; notre ami Naudin ne rêve qu'un petit coin de terre à Hyères, pour continuer ses intéressantes études sur l'hybridation des Cucurbitacées ; et moi je rêve aussi une chaumière et...., un bout de jardin dans l'Ile située en face, — l'Ile Port-Oos, — séjour des fées ; car là on voit des Bruyères de plus de 5 mètres de hauteur, formant des forêts ; le Romarin et la Sauge qui mêlent leurs parfums à celui de la mer ; j'y ai laissé des Anthemis frutescens, et des Pelargonium, qui avaient atteint en deux végétations, à l'air libre, plus de deux mètres de diamètre.

Cette année, Hyères a eu à subir la dure influence de l'hiver qui s'est fait sentir sur tout le littoral méditerranéen; pendant quatre nuits le thermomètre est descendu à 1 degré au-dessous de zéro, mais il remontait dans le jour à 7 et 8 degrés au-dessus.

Ces petites gelées n'ont pas été meurtrières; car, le 12 janvier, nous écrit une de nos honorées lectrices, on jouissait, à l'air libre, de la fleuraison des Rosiers Bengale et de la Malmaison, de celle des Jacinthes, Narcisses odorant et de Constantinople, Violette de Parme, Calycanthus praecox, Sparmannia africana, Habrotamnus, Abutilon,Eupatoire, Polygala cordata, Salvia coccinea, Mimosa dealbata et Farnesiana, Cassia, Cyclamen, Fabiana, Phytolacca dioica, Pittosporum undulatum ; des Magnolia, Cognassier du Japon, Œillets, Yucca, et naturellement des Orangers et Citronniers.

Mais détournons les yeux de ces lointains et doux rivages ; les souvenirs de quelques jours passés au milieu de la splendide végétation de l'île Port-Gros ne font que ranimer mes regrets, et rendre plus lourde la chaîne qui me retient à ce qu'il y a de plus avancé, en fait de civilisation, à la charmante ville de Paris.

L'Horticulteur français de mil huit cent cinquante et un: journal des amateurs et des intérêts horticoles
Por François Hérincq

Chronique Février 1868.
p.33-35

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